La pédagogie élaborée par Maria Montessori est en partie caractérisée par le mélange des âges dans les classes. En effet, contrairement au système public traditionnel qui est construit sur des classes d’un an (grande section, CP, CE1…), les classes Montessori durent plusieurs années et mêlent par conséquent des enfants d’âge différents. Généralement, les élèves sont répartis selon ces tranches d’âge : 2-3 ans (la communauté enfantine), 3-6 ans (la maison d’enfants ou école maternelle Montessori), 6-9 ans et 9-12 ans (la classe élémentaire ou école primaire), et 12-15 ans (le collège Montessori). Ces tranches d’âge correspondent aux phases principales de développement de l’enfant découvertes par Maria Montessori.
Diverses études ont démontré que les enfants d’âges variés adoptent spontanément une posture pédagogique entre eux. N’avez-vous jamais observé des frères et sœurs partager leurs manières de faire, leurs expériences et leurs connaissances ? Naturellement, les enfants d’âges différents mettent en œuvre des apprentissages en adoptant la position d’« enseignant » et d’ « enseigner ». Ces savoirs informels sont extrêmement précieux, car ils sont réalisés avec enthousiasme, attention et précision. La classe n’est alors plus constituée d’un unique professeur et d’apprenants, mais d’une vingtaine de potentiels enseignants prêts à déceler les erreurs des plus petits. Il est trop difficile, voire impossible pour un éducateur, de donner des enseignements personnalisés à chacun des élèves. En laissant l’opportunité aux élèves de s’apprendre mutuellement, on multiplie les possibilités d’apprentissages personnalisés et de retours. Le mélange d’âge permet cette transmission horizontale des savoirs qui libère les enfants et soulage l’adulte.
Ainsi, les enfants peuvent avancer en autonomie dans une partie de leurs apprentissages. Les plus jeunes sont captivés par les enseignements des plus grands comme un petit frère est fasciné et admiratif de sa grande sœur. Maria Montessori écrivait qu’entre les petits et les grands, il n’y a pas de compétition, mais au contraire « Il y a beaucoup d’amour et d’admiration et une vraie fraternité. ». Elle ajoutait : « Le plus grand perfectionnement des enfants se fait par des expériences sociales ».
Ce dynamisme intellectuel en classe peut être parfois déstabilisant pour l’adulte qui se retrouve parfois spectateur et qui doit accueillir avec joie cet élan. Les enfants sont heureux de profiter de ces échanges démultipliés sous le regard bienveillant de l’adulte.
Cependant, le plus jeune apprenant n’est pas le seul à bénéficier de cet apprentissage informel. En effet, en l’éduquant, ceux qui ont la posture d’enseignant informel consolident leurs acquis en stimulant les circuits neuronaux correspondant aux connaissances et méthodes mobilisés. Ils réalisent également le vocabulaire manquant ou les éléments qu’ils ont moins bien compris. Ils peuvent alors s’améliorer. De surcroît, ils développent par ailleurs le contrôle de soi, l’empathie et leur mémoire. En effet, lors de ces interactions, l’enfant apprend à être clair, patient et à se concentrer sur la compréhension de l’autre. Ils travaillent leurs émotions en s’adaptant aux réactions de l’autre. Enfin, ces apprentissages dynamiques et informels ne bénéficient pas seulement aux apprentissages purement scolaires : ils renforcent aussi l’intelligence émotionnelle et sociales. Ils renforcent leur confiance en eux. Globalement, ils améliorent leur flexibilité cognitive, c’est-à-dire leurs capacités à être souple dans leur façon de comprendre les situations et d’y réagir.
Les éducateurs sont bien évidemment présents pour aider les enfants à verbaliser et maitriser leurs émotions ainsi qu’à adopter les bonnes attitudes sociales. Alors soulagé d’une charge trop lourde à porter, qui est maintenant partagée avec les plus grands, il peut accompagner sereinement ses élèves
selon leurs progressions individuelles. Cette approche est réalisée dans un environnement adapté avec un matériel adéquat.
Finalement, nous pouvons conclure avec une citation de Céline Alvarez : « la classe devient alors un lieu d’émulation, de liberté et d’émancipation collective ».